La Soule et le Pays basque des origines : Mythes et hypothèses
© Philippe Etchegoyhen
L’origine des basques : Mythes et hypothèses
Un des marronniers les plus courants concernant les Basques, est le mystère de leurs origines.
Les basques se désignent eux-mêmes par le mot « Euskaldun » qui indique bien que c’est la possession de la langue qui sépare le basque du non-basque. Depuis deux siècles, les théories les plus fantaisistes ont circulé à ce sujet et les spécialistes sont loin d’être d’accord entre-eux.
Cependant, la grande enquête menée à partir de 2005, coordonnée par le linguiste Beñat Oyharçabal et le généticien Christian Bauduer, qui s’appuyait sur la linguistique, la génétique, l’anthropologie, le droit etc. a donné des résultats intéressants qui semblent (presque) faire consensus.
Il semble donc que les basques sont les descendants de populations qui, dès la fin de la dernière période glaciaire (vers 18000 avant J.C.) se sont répandus de part et d’autre de leur refuge sub pyrénéen pour occuper au moins partiellement l’espace situé entre la Garonne et l’Ebre.
J’avoue que je me perds souvent dans le méandre des querelles byzantines des spécialistes. J’aime bien la conclusion de Claude Labat. « Le mystère basque : un sacré filon ! » (Labat 2012 p.32).

©Mathilde Bétachet
L’absence d’écrits et de monuments chez les Basques en général et les Souletins en particulier, nous indique donc, non pas une absence d’histoire, mais une histoire vécue par des communautés et inscrite dans leur mémoire sous forme de mythes qui vont nourrir leur culture et leur identité.
La Soule, ses voisins et le monde pyrénéen
« Les Basques actuels descendent d’une population fixée sans interruption au pied des Pyrénées depuis l’arrivée des premiers Homo sapiens, celle qui, dans la période suivante post glaciaire (après -18000), a repeuplé l’Europe occidentale. Il est intéressant de noter qu’à l’inverse, les migrants du néolithique, venus du Proche-Orient, n’ont laissé que très peu de traces génétiques chez les Basques actuels.
[Blot Jacques, Parcours d’un archéologue dans la montagne basque] »
Les Souletins ont, comme toutes les communautés pyrénéennes, développé une abondante mythologie autour de la grotte et de son peuplement souterrain. Les peintures rupestres qui ornent celles du massif des Arbailles et les autres traces d’occupation sont les vestiges d’une culture commune à des groupes humains répartis sur des zones très vastes dépassant largement la Soule et le Pays basque.
« Les lois pyrénéennes arrivent de fort loin ; certainement […], d’un substrat pré ou protohistorique : les Basques ont peuplé toute la chaîne dès le néolithique
[Isaure Gratacos, Fées et gestes]. »
La Soule n’était pas un isolat oublié dans une vallée perdue. Les groupes qui la peuplaient faisaient dès cette époque préhistorique partie d’un monde culturel beaucoup plus vaste centré sur les Pyrénées.Les mythes fondateurs communs et la toponymie de toute la zone pyrénéenne nous le rappellent.
La Soule dans le jeu politique
La déculottée de Dagobert en Soule
Renée Goulard (Le pays de Soule p. 176), donne de l’embuscade dans laquelle Arimbert périt en Soule, des informations très intéressantes. Il s’agissait d’une vengeance. « Arimbert, qui en fut la victime, était nécessairement bien connu des Wascones et de leur roi Caribert, décédé le 8 avril 632, en pleine jeunesse. Arimbert était un ennemi juré de Caribert et un ferme soutien de Dagobert. » Elle explique que Dagobert fut contraint de céder à Caribert une partie de l’Aquitaine et en particulier la Wasconie dont il devint roi en 631, roi bien accepté par ses sujets. L’assassinat de l’oncle et conseiller de Caribert, organisé par Dagobert, fut exécuté par Arimbert et ses complices. D’où la vengeance des Souletins.
« La Soule assuma l’organisation et l’exécution de ce guet-apens. Ce qui ne permit pas au propriétaire du trésor de Mauléon de le sortir de sa cachette où il attendit douze siècles avant de revoir le jour. »
L a Soule aurait joué, aux VIe et VIIe siècles, un rôle stratégique et militaire important dans les guerres contre les Mérovingiens ; la vallée aurait été le pivot de la résistance des basques. Est-ce une extrapolation abusive de la déculottée prise par les troupes du roi Dagobert en 632 en Soule ?
Divers éléments (présence des souletins dans les délégations qui se résignent à la soumission et fournissent des otages) indiquent que la Soule a participé activement aux combats des Vascons pendant des siècles, ce qui suppose une culture et une organisation militaire importante et permanente. On peut donc, sans trop s’avancer, parler d’une société hiérarchisée dominée par une seigneurie guerrière à laquelle la communauté devait fournir les moyens de vivre et de guerroyer.
La fin de la Pax Romana a transformé le paysage. Les grands domaines de l’Ager, trop vulnérables, ont évolué pour devenir seigneuries guerrières qui ont organisé la défense de la vallée. Les populations dispersées sur tout le Saltus, qui avaient vécu dans une certaine autonomie durant la période précédente se regroupèrent autour de ces châteaux qui les dominaient. En échange de sa protection, la communauté fournissait au seigneur les hommes et les ressources nécessaires à des troupes de combattants équipés et entraînés.
La Soule n’était pas un isolat perdu dans une vallée perdue. Les groupes qui la peuplaient faisaient dès cette époque préhistorique partie d’un monde culturel beaucoup plus vaste centré sur les Pyrénées.
Les mythes fondateurs communs et la toponymie de toute la zone pyrénéenne nous le rappellent.
Organisation politique et militaire
Les nécessités de la guerre ont renforcé la domination du seigneur sur les populations. Mais celle-ci a été moins forte en Soule qu’ailleurs, car celui-ci avait besoin de ces bases arrière montagnardes. La vallée a joué un rôle important dans les combats des Vascons contre les Francs dès la bataille de Vouillé (507). Ces guerres n’ont pas été seulement défensives et subies en réponse à des agressions répétées, mais le plus souvent des expéditions offensives
Une des conséquences possibles, sinon probables de cette organisation politico-militaire est que les combattants n’ont pas besoin d’un attirail coûteux ; pas de palefroi dont l’acquisition et l’entretien n’est à la portée que de quelques privilégiés, mais des petits chevaux très bien adaptés à des terrains difficiles, pas de lourds équipements de protection, mais des armes légères et maniables. De tout ceci, il résulte que la guerre est une activité à la portée d’une grande partie de la population.
La division en trois ordres de la société au Moyen Âge (ceux qui combattent, ceux qui prient et ceux qui travaillent) est peut-être moins marquée dans la mesure où ceux qui travaillent peuvent aussi combattre aux côtés des guerriers professionnels.

Cette organisation a pour conséquence un écart moindre entre nobles et roturiers. Celui qui combat aux côtés du seigneur ne pourra pas être totalement asservi, il gardera ou obtiendra plus aisément un statut d’homme libre.
Cela expliquerait peut-être le faible impact du servage en Soule ; ne touchant qu’une petite minorité sans doute issue des grands domaines du passé, il a disparu avant le Xe siècle d’après Manex Goihenetxe. De plus, cela expliquerait aussi l’importance des alleux (Terres franches possédées en toute propriété) en Soule ; les communautés ont pu mieux défendre leurs droits face au seigneur qui avait besoin d’elles.

Pour les curieux
Des éléments du livre non reproduits dans ce blog
Les sources utilisées – hypothèses de peuplement du Pays basque – Liens entre la culture souletine et celle du monde pyrénéen – Les mythologies et les grottes.
Le trésor de Barcus – Le rôle des Souletins lors de la conquête romaine – Saltus et Ager : Clans d’éleveurs et grands domaines.
Structures guerrières et rôle de la Soule au VIIe siècle
Expéditions des Vascons sur le plat pays – Méthodes de combat des Vascons