Les communautés souletines du IXe au XVe siècle : potestats et alxubide
©Mathilde Bétachet
Nous ne savons pratiquement rien de cette longue période qui a vu la formation du « Païs de Soule ». Nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses, car aucun chroniqueur n’en a parlé. Ce n’est qu’à travers des actes de donation ou des testaments conservés surtout dans les monastères que nous pouvons entrevoir son existence et celles des unités qui la composent. Et encore, faut-il faire preuve de prudence, car les documents sont souvent orientés, voire falsifiés, pour préserver les intérêts de ceux qui les ont produits.
L’essentiel n’a pas laissé de trace, car si les écrits restent, la parole s’envole ; or, les communautés ne couchaient pratiquement rien par écrit et conservaient très mal les rares documents produits.
Ce n’est que très tard que j’ai appris le nom des points cardinaux en basque ; en effet, chaque village avait ses repères d’orientation désignés par les collines, les montagnes ou les lieux géographiques qui l’entouraient. Pour Idaux, les points cardinaux étaient Zilhane ou Manex (Ouest), Idorroki (S.O.), Ahüñe (S.), Maidalena (S.E), Arrokiga (E.), Pettarra (N.)
Formation des communautés
Le Pays de Soule existait avant la création de l’Etxe qui l’a restructuré. Comme nous l’avons vu, une partie de la population était sédentarisée depuis le temps des villas. Certes, il existait des habitats plus ou moins permanents dès la fin de la préhistoire ; ils regroupaient les clans d’éleveurs qui suivaient leurs troupeaux de pâturage en pâturage. L’Etxe, cellule de base de la communauté, ne se mettra en place qu’autour du Xe siècle au sein des noyaux paroissiaux.
La création des paroisses, leur regroupement autour de l’église sous la domination du seigneur a été facilité par la christianisation qui a cimenté et ritualisé les liens entre les maisons.
Les communautés paroissiales
La Soule est passée du clan à la paroisse tout en conservant la force et la cohésion des communautés. Les trois étages qui la structurent – l’Etxe (communauté familiale), la paroisse (communauté de gestion de terres communes) et le pays (communauté de gestion des estives) – ont résisté au temps.
Dès le Xe siècle et sans doute même avant, les noyaux paroissiaux se sont créés en Soule, la plupart du temps autour de l’église, du cimetière et du « Château ». Dans les villages de la vallée du Saison, cet habitat groupé s’est le plus souvent installé sur le talus qui domine la première terrasse ; de ce fait, les maisons et leur petit territoire privé sont situés sur la deuxième terrasse, aussi fertile que la première, à proximité des bois et des taillis qui couvrent les collines
Le territoire de la paroisse est essentiellement constitué par des terres communes, car les maisons ne possèdent que très peu de terres privées et clôturées (cour, jardin et okholü (prairie attenante) au minimum) auxquelles s’ajoutent des parcelles cultivées sur les terres communes à titre précaire ou temporaire. Les etxe ne peuvent pas survivre sans les ressources fournies par les territoires exploités en commun, ce qui demande des règles d’utilisation précises et une organisation sans faille.
En Soule, comme dans tout le Pays basque et les régions voisines, la paroisse n’est donc pas une étendue de terre ; elle est surtout une structure, une « constellation de maisons chargée de gérer un terroir ». De même, on pourrait dire que la Soule est une constellation de paroisses chargée de gérer la vallée.
Le gave et sa vallée
Si la Soule déborde largement de la vallée du Saison, il n’en demeure pas moins que – de Licq à Charritte-de-Bas – le gave en est la colonne vertébrale. Cette trouée, dont la partie basse est large d’environ 2 km entre ces deux localités, comprend trois étages sur chaque rive.
Une zone au sol dégradé par les crues du torrent, couverte de galets nus et de graviers déposés par le gave : la « saligue » ou « saligat » borde le lit du torrent.
Des terrasses alluviales au sol fertile. C’est le domaine des vergers et des vignes, des jardins, des prairies et des elge (champs collectifs) dont le fonctionnement sera détaillé plus loin. En général cette zone comporte deux niveaux et les noyaux villageois sont installés en bordure de la terrasse supérieure, à l’abri des caprices du gave.
Les collines qui dominent la vallée. Leur sommet marque les limites de la communauté dans la plupart des cas, mais des exceptions existent ; Chéraute déborde largement de la vallée du Saison.
Sans les ressources fournies par les collines (bois fougère, glands et châtaignes), les communautés auraient eu du mal à survivre.
Circulation des troupeaux et traversées du gave
Pour la Soule, la transhumance est devenue, dès le néolithique, une nécessité ; ses contraintes ont, elles aussi, structuré la vallée pour régler la circulation des hommes et des troupeaux.
Qui dit transhumance, dit déplacements du bétail. En Soule, celle-ci était vitale, aussi bien sur l’axe principal Nord Sud que sur les itinéraires secondaires qui reliaient chaque hameau à cette voie. Comme pour beaucoup d’autres vallées pyrénéennes, la gestion de ces mouvements était l’une des fonctions essentielles qui soudaient la communauté souletine.
La problématique se compliquait du fait qu’il fallait permettre cette circulation dans toute la vallée sans nuire aux intérêts des paroisses traversées. Libre accès aux terres communes de tous les troupeaux oui, à condition d’assurer la protection des récoltes et des pâturages que la communauté se réservait.
Il fallait aussi assurer la circulation des hommes et des attelages entre villages voisins et à l’intérieur de chacun d’entre eux. La précision des règles fixées par la Coutume de Soule de 1520 indique bien leur importance aux yeux des Souletins.

© Philippe Etchegoyhen
Liste des potestats :
Domezain(1) Etxarri(2) Olhaibi(3) Charritte(4) Espès(5)
Chéraute(6) Gentein(7) Ossas(8) Sibas(9) Lacarry(10)
Potestats
Les dix potestats occupent des positions stratégiques le long des Alxubide.
Ils en assurent la sécurité.
En échange, ils bénéficient de privilèges importants.
L’Alxubide principal est relié à chaque communauté par des alxubide secondaires
Estives en gris

Pour Les curieux : J’en parle dans le livre
Les autres cours d’eau – divagations du gave – La Soule des collines et des montagnes
Les types de chemins vus par la Coutume de Soule de (Alxubide – Chemins royaux – Chemins des gerbes) et les commentaires de Jacques de Bela
Les ponts sur le gave et leur entretien (Abense, Ossas Menditte Mauléon)
Les autres ponts et les ruisseaux
Sécurisation des Voies de circulation – rôle des potestats de Soule et privilèges
Capitaine-Chatelain – Cours de justice de Licharre et obligations des potestats.
Sacralisation des lieux de pouvoir : arbres, sources et forêts.
Seigneur de Gentein – Seigneur de Laguinge