Une histoire politique mouvementée (IXe – XIVe siècles)
© Philippe Etchegoyhen
La Soule ne sera donc ni une vicomté ni un siège d’évêché et n’abritera pas de monastère ; tous les éléments de la puissance lui ont échappé, car elle n’avait pas la « masse critique » suffisante. Elle a réussi à limiter les dégâts et à demeurer basque. Elle a gardé et fait évoluer une langue et une culture originales qui devaient être fort enracinées pour se maintenir dans un environnement qui ne leur était pas favorable.
Le vicomte de Soule coiffe une structure féodo-seigneuriale
Seigneurie de Laguinge
La maison de Laguinge, qui apparaît dès le XIe siècle, donne une idée de la puissance, du mode de vie et des activités politiques, économiques et surtout militaires de cette noblesse souletine. Ce seigneur possède déjà les dîmes de plusieurs églises de Soule et de Navarre ; pour financer son départ en Terre Sainte au début du XIIe siècle, il en cède une partie à l’abbaye de Sordes. Il les rachètera en totalité à son retour de croisade.
Il fait partie de l’entourage de Gaston le Croisé, prince du Béarn, qu’il accompagnera dans ses expéditions guerrières jusqu’à sa mort en 1134. La foi chrétienne dont il fait preuve n’est pas partagée par son successeur qui a vécu de rapines et de pillages.
Sa famille et lui-même ont, en trois donations, offert la paroisse de Larrau à l’abbaye de Sauvelade. Au passage, on peut remarquer les liens étroits qui unissaient déjà les monastères et les seigneuries guerrières ; l’une des donations est liée à l’entrée d’un membre de sa famille au dit monastère créé par le prince du Béarn sur l’un des chemins de Saint-Jacques.
Il s’appuie sur de puissants seigneurs comme le baron de Gentein qui apparaît dans les textes, car il s’oppose vainement au rattachement de la province à l’évêché d’Oloron en 1083.
La vicomté se crée et se maintient péniblement de 1023 à 1307 malgré la pression de ses voisins , par un jeu de bascule grâce auquel elle résiste vaille que vaille en profitant de leurs rivalités.
La vicomté passera aux mains du roi d’Angleterre de 1307 à 1449. Après cette date la Soule sera rattachée au domaine royal.

© Philippe Etchegoyhen
Les seigneuries guerrières tiennent toujours le haut du pavé
Elles ont absorbé, coiffé et dominé les petites seigneuries foncières propriétaires d’une paroisse ou d’une partie de celle-ci. Elles entrent dans l’orbite de grands seigneurs extérieurs à la Soule ; elles entretiennent d’étroites relations avec les principautés voisines et les royaumes de Navarre et d’Aragon.
La Soule est ballotée entre des voisins trop puissants pour elle
Les ambitions béarnaises, la montée en puissance de la Navarre et les exigences du prince ont fini par avoir raison de la vicomté de Soule autonome ; au terme d’une existence agitée, la famille vicomtale a dû renoncer à son titre, mais encore une fois, la vallée a gardé son identité grâce à son éternel jeu de bascule entre les puissances qui l’entourent.
Jean-Louis Davant résume ainsi la situation. « De ce fait, la Soule a vécu pendant quatre siècles une sorte de ménage à trois entre son souverain légal d’Aquitaine et son amant de cœur de Pampelune ». La position stratégique de la Soule était trop importante pour que ses voisins s’en désintéressent. Ils lui ont donc laissé une certaine liberté de mouvement afin qu’elle ne tombe pas totalement sous la coupe de l’un d’entre eux.

© Philippe Etchegoyhen
Les abbayes en Soule
Dès le XIe siècle, les monastères, en pleine expansion dans toute la chrétienté et plus particulièrement dans les royaumes et principautés voisines vont essayer de mettre la main sur les ressources de la vallée.
Les abbayes ont reçu, au cours de cette période, de très importantes donations de la part des princes qui s’appuyaient sur elles pour asseoir leur pouvoir et gérer leur domaine. De même, des seigneurs et des grands propriétaires leur offraient une partie ou la totalité de leurs biens pour des raisons diverses (salut de leur âme, entrée dans les ordres, protection, gages d’emprunts).
Abbaye de Leire

Le rôle de Leire et l’importance de ses possessions en Soule dès le XIIe siècle au moins, ont fortement influencé la structuration et la mise en valeur de la vallée.
L’abbaye, qui avait atteint le sommet de sa puissance au XIe siècle, a connu un déclin dès le milieu du XIIe du fait des choix de la monarchie navarraise qui ne l’a pas placée sous l’autorité directe de Rome, mais l’a mise au service de l’évêché de Pampelune.
Abbaye de Sauvelade
En 1174, la famille du seigneur de Laguinge donnait à l’abbaye béarnaise de Sauvelade tout le territoire et toute la communauté de Larrau. Cette abbaye située sur l’itinéraire du Somport donnait au souverain béarnais les moyens de l’organiser et de le contrôler.
Abbaye de Roncevaux
L’abbaye de Roncevaux, quant à elle, contrôlait et sécurisait le chemin navarrais du pèlerinage. Elle possédait en Soule la commanderie d’Ordiarp. L’abbé était en quelque sorte le curé primitif et par voie de conséquence percevait la dîme de plusieurs villages : Ordiarp, Musculdy, Idaux, Mendy, Garindein, Viodos et Abense.
Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem
Les Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem étaient eux aussi implantés en Soule. L’église de Mauléon-Berraute en dépendait après avoir peut-être été sous la coupe des Templiers ; ils possédaient aussi, autour de la chapelle Saint-Sauveur située en Pays de Cize un important domaine montagnard qui débordait sur la Soule toute proche. On ne trouve que peu de documents sur ces biens. Les Hospitaliers ont-ils négligé ou cédé ces possessions somme toute marginales pour l’ordre ? Sont-elles un héritage de celui des Templiers ?
Remarques et conclusions
Pour l’essentiel, soulignons leur rôle dans le peuplement du territoire et leur fonction de relais avec les puissances politiques de la région, car ils ont participé au jeu de bascule qui a permis à la vallée de garder son autonomie.
Toujours est-il que ces ordres religieux ont réussi à s’attribuer, par donations ou par d’autres moyens, de grandes portions du domaine montagnard souletin.
« À partir du Moyen Âge, pour la Basse-Navarre comme pour la Soule, on constate que la montagne est partagée en terres communes appartenant en indivis aux communautés originelles et en terres appartenant à de grands établissements monastiques : Roncevaux, Saint-Jean-de-Jérusalem, Leyre. Chacun se constitue un immense domaine sylvo-pastoral avec ses établissements fixes et provisoires, ses bornes, son accès principal et ses voies secondaires fonctionnant en parallèle ou successivement[Delphine BROCAS, Amaia LEGAZ, la montagne basque : Sources et ressources.]. »
« Ainsi, les grands ordres religieux semblent toujours très impliqués dans la vie pastorale alors que le pouvoir royal, au vu des archives de la section des comptes et des cartulaires royaux, paraît progressivement ne plus détenir en propre que peu de droits et de domaines pastoraux[Delphine BROCAS, Amaia LEGAZ, la montagne basque : Sources et ressources.2]. »
Ce partage du territoire entre les communautés de la vallée et les monastères a dû prendre des formes diverses et susciter sans doute bien des conflits.

Pour les curieux … vous trouverez dans le livre…
Plus de détails sur la Soule et ses voisins
D’autres informations et références sur les monastères et leurs relations avec la Soule
Troupeaux de porcs en forêt d’Iraty
Relations de la maison Barrexea d’Idaux avec la commanderie d’Ordiarp